La vie peut être en soi un koan.
-- de Rachel Naomi Remen
Examinez la pratique Zen du koan, cette question ou énigme proposée par les maîtres aux disciples ou par les maîtres Zen à tout un chacun. Le koan est un dilemme, un mystère que l’esprit rationnel ne peut pas résoudre. La clé de la résolution d’un koan réside dans la transformation dans l’être du disciple qui permet une nouvelle compréhension de cette question.
Lorsqu’il présente un koan, l’enseignant engage mystérieusement le disciple dans une voie très personnelle. En amenant l’esprit de tous les jours dans un endroit confiné, une sorte d’obscurité fertile, nous pouvons nous retrouver par inadvertance dans un lieu riche et enceint de non-connaissance, aussi appelé « esprit du débutant ». […]
La résolution d’un koan demande une certaine confiance dans le mystère, une foi dans le fait qu’il existe une réponse qui arrivera en temps et en heure. Lorsque la réponse et le chercheur progressent l’un vers l’autre, la réponse semble émerger d’elle-même. La résolution du koan est habituellement évidente ; elle nous regardait depuis le début, mais nous ne faisions pas attention à elle plus tôt. Lorsque nous l’entrevoyons, il est alors difficile de croire que nous voyions les choses de manière différente. Et en effet, nous ne verrons plus jamais les choses de l’ancienne manière. Nos yeux ont été transformés par la façon dont nous avons rencontré l’inconnue.
Tout comme une bonne science, la résolution d’un koan demande une confiance dans un schéma plus général qui sous-entend l’éventualité momentanée que l’esprit ne comprenne pas. En outre, la compréhension qui en résulte est souvent accompagnée par une profonde appréciation de l’élégance de ce schéma et de l’intelligence de la nature des choses. Une sensation d’émerveillement. Une appréciation du vrai mystère qui nous a frustré. Une sensation d’appartenir à ce mystère.
Beaucoup des problèmes que la Vie nous pose sont d’apparence sans solution, s’apparentant aux koans que les enseignants Zen présentent à leurs disciples. Cependant la signification et la sagesse émergent des histoires de la Vie de la même façon que la résolution des koans émerge. L’attente de cette signification est presque similaire à l’attente d’une naissance. Après avoir vécu une histoire ou entendu une histoire, nous devenons enceints de cette signification. Parfois la grossesse peut prendre des semaines, voire des années. Souvent au fil du temps, enceint d’une histoire, nous pouvons donner naissance à plusieurs significations, chacune plus profonde que la précédente. La plupart des belles histoires que j’ai déjà vécues ou racontées sont ainsi.
Bien entendu, la souffrance et la maladie sont des koans. La vie peut être elle-même un koan. Ces personnes qui sont capables de rencontrer la vie, de la même manière que le disciple Zen rencontre un koan, progresseront le long d’une trajectoire spirituelle au gré d’événements qui a contrario réduisent d’autres à l’amertume et à la défaite. Non seulement leur corps physique, mais aussi la qualité de leur esprit seront transformés dans la rencontre.
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Questions pour faire germer la réflexion : Quel est votre rapport à la notion d'être enceint d'une histoire et de donner naissance à plusieurs significations ? Pouvez-vous partager une histoire personnelle d'un moment où vous avez pu rencontrer la vie de la manière avec laquelle un disciple Zen rencontre un koan ? Qu'est-ce qui vous aide à développer une profonde appréciation pour l'intelligence de la nature des choses ?
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Rachel Naomi Remen est un pionnier de Relationship Centered Care and Integrative Medicine. Son programme révolutionnaire, the Healer’s Art est désormais enseigné chaque année dans plus de la moitié des écoles de médecine aux Etats-Unis, ainsi que dans sept pays etrangers. L’extrait provient de 'Kitchen Table Wisdom'.